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Istanbul : culture du mixte

Istanbul! De la magie de son nom à ses improbables mixités: d’où vient cette attirance qui chatouille notre imagination? Marmara, Bosphore et Corne d’Or… les bons rêveurs y vont d’abord pour y aller; les petits curieux flairer ce mélange unique de cultures brassées.

C’est le genre de destination où tout le monde y trouve son compte… Istanbul est une ville proportionnée aussi bien aux citytrips qu’aux explorations de plusieurs semaines; un ensemble familier qui compose avec l’exotisme d’un réel dépaysement. J’y suis venu quelques jours fleurer ce petit parfum d’Europe orientalisé (ou d’Orient européanisé…). Sur les ponts, au bazar ou près des mosquées… pas besoin de s’exiler loin du centre pour tâter son originalité. Tour d’horizon de quelques endroits clés de la rive européenne:

Sultanahmet et le palais de Topkapi

Nous sommes au bout de la Corne d’Or entre la mer de Marmara et le détroit du Bosphore. C’est sans doute le quartier le plus connu, le plus photographié et le plus touristiquement bondé de la ville. Ici la mixité se joue davantage à l’échelle mondiale où un flot de visiteurs qui se presse autour d’imposants bijoux que sont la mosquée bleue, le musée Sainte-Sophie et le Palais de Topkapi. Trois incontournables. L’histoire de Sainte Sophie résume à elle même les influences successives et tiraillées de cette ville: consacrée en tant qu’église dès 537 par Justinien, elle fût transformée en mosquée par Mehmed II (1453) avant de devenir un musée sous les envolées laïques d’Atatürk (1934). Aujourd’hui le gouvernement conservateur évoque même la possibilité de la reconvertir en mosquée! Bon… heureusement qu’une ville à l’histoire si mouvementée trimbale aussi son lot de divisions, car rien n’indique que cette initiative, sur un monument aussi symbolique, se fasse un jour avec l’assentiment généralisé. Le mythe de l’âge d’or a toujours bon dos… en 1854 Sainte-Sophie était quand même en pleine zone:

OldIstanbul-Sainte-Sophie

Sainte Sophie – James ROBERTSON/Collection Pierre de Gigord / CNRS Éditions

J’avais quelques souvenirs de ces monuments lors d’un précédent passage au début de ce siècle (le nôtre, pas celui de la photo). Je n’étais pas vieux… et l’imposante mosquée bleue (attention à l’odeur des pieds!) m’avait vraiment impressionné. Mais dans mes souvenirs il n’y avait pas autant de monde. Non pas que sillonner ces monuments soit aujourd’hui un calvaire (on va quand même pas se plaindre…!) mais l’image que j’en gardais était autrement plus calme et moins dense que ce que lors de ces dernières visites.

Prolongeons la balade vers l’ouest.

Le grand bazar et le marché aux épices

Au bazar il y a du monde mais c’est normal et tant mieux. Le bazar… un dédale de ruelles couvertes où les étalages de bijoux, boiseries, bibelots et breloques se succèdent les uns aux autres jusqu’à déborder dans les rues adjacentes. Paradoxalement ce sont dans ces petites rues bondées de touristes et de Stambouliotes que je respire le mieux. Il y a de la vie. Ça bouge… des commis chargés de trimbaler des thés y sillonnent comme des funambules. Les yeux s’arrêtent sur tout! On écoute et on sent. J’adore…

Bazar-Istanbul

Lost in grand bazar

Au détour de la mosquée Süleymaniye (la plus grande de la ville) bordée par un charmant petit cimetière, on replonge dans un dédale de ruelles qui mène au marché aux épices. Les rues sont pleines mais ce sont ici les odeurs qui marquent le plus: celles des gâteaux calorifiques (Simits, Baklavas, Kadaifs etc.), des épices colorées et de la théine servie aux joueurs de backgammon aux culs vissés aux tabourets.

Backgammon-Istanbul

Joueur de backgammon aux abords du grand bazar 

On quitte ce quartier aux abords de la mosquée Yeni (qui veut dire mosquée neuve… tellement neuve qu’elle a été achevée au 17ème siècle). On entend les mouettes et ça sent le poisson.

Devant nous s’ouvre la Corne d’Or!

Eminönü et le pont de Galata

Eminonum-Istanbul

Les marchands de poissons sur les rives de la Corne d’Or- Coté Eminönü

Cette zone portuaire est sans doute ma préférée. D’abord pour ces larges perspectives de minarets piqués sur les collines et cette vue symbolique, de l’autre coté du détroit sur le continent asiatique. Entre cette foule de badauds, les marchands de poissons et les bateaux qui tanguent pour partir vers Dieu seul sait où… le regard se pose inévitablement vers des cocasseries de choses mouvantes.

Si Istanbul est un carrefour Eminönü en est son centre.

Je n’ai jamais eu autant de difficultés à quitter un pont. Celui de Galata se traverse par le haut ou par le bas: en haut une foule de pêcheurs qui laissent tomber leurs lignes dans les eaux sombres du Bosphore; en bas des bars et restaurants qui donnent de part et d’autre du détroit. Ici l’apéro est un piège… on s’installe boire une bonne Efes Pilsen sur une terrasse autorisée (l’alcool n’est pas servie partout) à regarder la nuit tomber derrière les minarets des collines de Fatih.

Bosphore-Istanbul

 La mosquée Süleymaniye vue du pont de Galata

Je pense être resté six ou sept bonnes heures à ma terrasse… mais la soirée qui commençait à l’intérieur du bar valait également le coup! Non pas que le pont de Galata soit un haut lieu de la sortie stambouliote mais l’occasion se présentait d’écouter un petit concert de « pop turc » mené par un petit chanteur coiffé comme Chantal Goya. Les hommes et les femmes dansent séparément. Parfois les femmes font des rondes et sur certaines chansons il est a priori mal vu de danser. Quand on ne danse pas on boit. Du coup je suis rentré bien tard et très guilleret après avoir passé ma fin d’après-midi et toute ma soirée sur ce pont!

Galata et la place Taksim

Galata-Istanbul

La tour de Galata

De l’autre côté du pont se trouve l’immense district de Beyoğlu. Le piéton commencera par battre le pavé vers le haut dans le quartier de Galata. L’atmosphère y est sensiblement différente que de l’autre côté de la Corne d’Or. Elle semble plus jeune et européanisée. Charmant et un tantinet « bobo » aussi… on passera difficilement à côté de la tour de Galata, une vieille construction cylindrique qui aujourd’hui offre l’une des plus belles vues panoramiques sur le vieil Istanbul.

Pont-Istanbul

Du haut de la tour de Galata… de l’autre côté du pont: l’Asie!

L’immense avenue Istikal remonte vers le nord en trimbalant tout son lot de boutiques et de fast food que l’on trouve dans n’importe quelle ville européenne. L’avenue est piétonne. On y voit défiler une énorme foule de Stambouliotes où se glissent bon nombre de supporters du Galatasaray. Les étals du grand bazar semblent dès lors appartenir à une autre ville! Même si l’ensemble ne semble pas si dépaysant, j’ai adoré me balader dans les petites ruelles adjacentes où se succèdent un ensemble de bars, de restaurants et de troquets où le temps est tué au rythme des longues parties de backgammon (oui j’aime bien ce jeu…).

Tout en haut de l’avenue: la place Taksim… immense place tout en béton. Trop grande pour se figurer l’ampleur des manifestations monstres qui s’y sont déroulées en 2013. Sur un grand immeuble se dresse le portrait d’Atatürk, « père » de la Turquie moderne, qui doit se retourner plusieurs fois dans sa tombe en voyant ce pays troublé par des réformes conservatrices (promotion du foulard islamiques, lois restrictives sur l’avortement etc.) à contre-courant des aspirations d’une large partie de la jeunesse.

Taksim-Istanbul

Près de la place Taksim de nuit

La place Taksim est un traditionnel lieu de manifestation. Je logeais tout près, en descendant vers le Bosphore près de Sanatkarlar Park. Lors de mon passage tout était paisible. Mais je n’y suis resté que trop peu de temps pour flairer et retranscrire davantage les dissensions profondes qui divisent le pays. Difficile de tout ressentir en quelques jours… même si cela me donne un bon prétexte pour y retourner! La ville est immense (je n’ai même pas mis les pieds en Asie!) et les aspirations contradictoires de cette population aux cultures si mélangées renforce l’intérêt qu’on peut lui porter.

Aux citytrips la curiosité à ses limites que le rêveur ne connait pas! Istanbul est une ville de perspectives. A l’est l’Anatolie, le Kurdistan etc. Plus loin l’Iran. On rêve à cette idée de toucher l’immensité de l’Asie du bout des doigts. Istanbul est surtout une ville carrefour et plus qu’une autre… elle donne envie de voyager!

Et pour les curieux surfeurs du net:

Istanbul, des sultans et des photographes: quelques superbes et très vieilles photos d’Istanbul (Constantinople à l’époque!) tirées de la collection d’un dénommé Pierre de Gigord. L’ensemble est regroupé dans Istanbul, photographes et sultans, 1840-1900 (CNRS éditions) de Catherine Pinguet.

Au fil du Bosphore: le blog de Guillaume Perrier, correspondant pour le journal Le Monde en Turquie. A suivre aussi sur twitter @Aufildubosphore

Mademoiselle Istanbul: le blog d’une française tombée amoureuse d’Istanbul. Bonnes adresses, escapades, shopping etc. les gros plus de ville avec du fun et pleins de photos!

9 réflexions au sujet de « Istanbul : culture du mixte »

    1. Hello! Pour les vols j’en ai sais rien mais en débrouillant il est toujours possible d’avoir des vols pas trop chers! C’est vraiment une belle ville. Très grande… En un grand-week-end on peut en avoir un bel aperçu mais on peut y retourner pas mal de fois pour découvrir de nouveaux endroits.

  1. Merci pour cet article très intéressant !
    Je ne connais pas Istanbul, mais ce ne sera plus le cas dans quelques semaines.
    Je pars en Turquie en Mars :) Je suis entrain de préparer mon voyage donc tes conseils sont plus que les bienvenus !

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